«... Celui qui sera capable de résoudre
l'énigme de la Musique trouvera
la clé de l'Univers entier ».
Pythagore
«... Créer l’harmonie en nous par la
connaissance de la vérité :
telle est la tâche de l’humanité. »
Marie Jaëll
En 1846, Marie Trautmann, future Marie Jaëll naît dans un petit village d'Alsace, Steinseltz.
Son père est maire du village et Marie est élevée par sa mère. Attirée par la musique, Marie persuade son père de lui acheter un piano. Les progrès sont si rapides que sa mère décide de prendre l'éducation musicale et la carrière de sa fille en mains.
À 7 ans, Marie prend des cours à Stuttgart, chez le meilleur professeur de l'époque, Franz Hamma.
À 10 ans, elle est déjà à Paris, chez Henri Herz.
À 16 ans, elle obtient le Premier Prix de piano au Conservatoire de Paris.
Elle entame ensuite une brillante carrière européenne et soutenue par l'énergie inépuisable de sa mère, joue dans toutes les grandes villes d'Europe.
Il est important de préciser que cette époque était très riche musicalement et le nombre grandissant de virtuoses du clavier rendait difficile la percée de chaque nouvelle carrière. Mais Marie a vite dépassé le statut de l'enfant prodige en devenant une artiste confirmée. Chaque concert suscitait des éloges de la presse musicale.
À 20 ans, Marie épouse Alfred Jaëll, pianiste mondialement connu, l'ami intime de Brahms, Schumann, Liszt, A.Rubinstein dont il interprétait les œuvres dans ses concerts. Ayant déjà une carrière solidement entamée, Marie fait maintenant partie de l'élite musicale de l'Europe. Le couple voyage à travers toute l'Europe, de concert en concert, de triomphe en triomphe - la vraie vie d'artistes.
En 1882 Alfred meurt et Marie se retrouve seule. Elle a 35 ans.
Pianiste renommée, Marie Jaëll est cependant moins connue comme compositeur. Pourtant, elle a travaillé avec d’illustres maîtres comme Camille Saint-Saëns et César Franck. Elle devient l'une des premières femmes admises à la Société des Compositeurs de Musique, fait rarissime à cette époque à forte tendance machiste.
Irakly Avaliani
L'esprit de cette époque se voit bien dans l'extrait de l'article, paru dans "La Gazette musicale de Paris" :
« ...Remplir la Salle Erard est devenu le privilège des vrais grands concerts ; et c'en était un que celui de Mme Jaëll.
...Mais une grande partie de l'intérêt de ce concert s'attachait au début de Mme Marie Jaëll comme compositeur.
...Comme facture, c'est quelque chose de fort remarquable, et de très supérieur à ce qu'on est en droit d'attendre d'une femme ».
Liszt disait à Marie Jaëll : « ... un nom d'homme sur votre musique et elle serait sur tous les pianos. »
Bien qu'elle ait accompli plusieurs exploits inédits à l'époque : Marie Jaëll était la première au monde à interpréter toutes les sonates de Beethoven en concert, les intégrales de Schumann et de Liszt. Mais ce n'est pas son activité pianistique qui laissera les traces dans l'histoire ni ses compositions, pourtant très variées et marquées par la forte personnalité de leur créateur.
C'est par ses recherches scientifiques de l'esthétique musicale, basées sur les découvertes de la psychophysiologie que Marie Jaëll est entrée dans l'histoire.
À l'apogée de son succès, Marie Jaëll cesse de jouer en public et elle ne compose plus. Tout son temps, son puissant intellect et son énergie inépuisable, elle les réserve à ses recherches.
Que recherche donc Marie Jaëll ?
Elle commence par chercher des solutions aux problèmes de la technique pianistiques et elle finit par accéder aux connaissances qui nous mènent au plus profond du mystère de la musique.
Voici un extrait de la lettre adressée à son amie Gosswine von Berlepsch :
« ... Il me faut dépasser le stade de l'instinct et aboutir à la connaissance. »
Vaste programme. Et pourtant, elle y est arrivée.
Marie Jaëll a eu le rare privilège de vivre deux vies : l'une, au 19ème siècle, comme artiste internationale sillonnant le monde avec un succès grandissant et l'autre au 20ème siècle, comme chercheuse scientifique passant le reste de sa vie à trouver les réponses aux questions qui la tourmentent depuis toujours.
La fin du 19ème et surtout le début du 20ème siècle, riches en découvertes et en bouleversements scientifiques, laissent leur empreinte chez Marie Jaëll. Si elle avait commencé ses travaux 20 ans plus tôt, le résultat n’aurait pas été le même : elle n’aurait pas bénéficié de l’avancement de la psychologie et de la physiologie.
Soutenue par des personnalités comme le Docteur Charles Féré, médecin à L’Hôpital de Bicêtre, connu pour ces travaux en neurophysiologie, Marie Jaëll se consacre aux recherches sur la psychophysiologie des pianistes et sur l’art du toucher, afin de permettre à chacun, comme elle le dit elle-même, de "réaliser la beauté".
Charles Féré s’intéressait beaucoup à la main. Sous sa direction, Marie Jaëll est devenue une vraie scientifique. Son premier livre «La musique et la psychophysiologie » est sorti en 1896. Il a été suivi d’autres ouvrages dont les titres reflètent leur contenu : « Le Mécanisme du Toucher : l’étude du piano par l’analyse expérimentale de la sensibilité tactile », « L’Intelligence et le Rythme dans les Mouvements Artistiques», «Un nouvel état de conscience : la coloration des sensations tactiles », « La Main et la Pensée Musicale » pour n’en citer que quelques- uns. En tout, Marie Jaëll a publié une douzaine de livres qui ont révolutionné l’art du piano et aussi, elle nous a laissé une trentaine des cahiers de travail, son journal du bord.
Très affectée par la mort de Charles Féré en 1907, Marie Jaëll continue ses recherches et travaille sans relâche, mais elle s’enferme dans son laboratoire secret. Elle est complètement absorbée par son travail et ne pense guère à la diffusion de son oeuvre.
Il est intéressant de remarquer que parmi le peu d’élèves qui ont résisté à son tempérament ravageur, il y avait un certain Albert Schweitzer, théologien, organiste et fondateur de l’hôpital à Lambaréné, futur prix Nobel pour la paix. Albert Schweitzer a écrit plus tard dans ses mémoires : « ...Je dois tant à cette femme géniale ! »
En 1914, à l’âge de 68 ans, Maire Jaëll s'inscrit à la Sorbonne pour suivre les cours de physique, de botanique, de mathématique et d’autres : « Je puise partout, où je vois apparaître des relations permettant de définir l’ensemble des choses. »
Vers la fin de sa vie, Marie Jaëll s’est rendu compte qu’elle n’a rien fait pour la diffusion de son œuvre.
Elle a écrit avant sa mort :
« Je ne sais comment faire connaître, propager les forces neuves que je suis si heureuse d’apporter. L’idée que je dois m’en aller de ce monde sans être sûre que tout ce que j’ai trouvé s’incarnera dans les générations futures est bien angoissante... J’ai voulu travailler pour les autres. Il faut que ma musique me survive dans vos esprits et dans vos doigts. »
Marie Jaëll est partie en 1925, à l’âge de 78 ans.
Il serait impossible d’analyser, même brièvement, l’œuvre de Marie Jaëll dans le cadre d'un court article. J’essaierai seulement de présenter l’essentiel de sa pensée et de son enseignement.
L’œuvre de Marie Jaëll dépasse largement le cadre de la simple méthode du piano.
Je suppose qu’au départ, elle se posait des questions assez concrètes : pourquoi les pianistes n’arrivent-ils pas jouer comme ils en ont envie ? Qu’est-ce que leur empêche de réaliser leurs idées ?
Pour répondre à ces questions, Marie Jaëll a commencé à observer les fonctions motrices des pianistes, car les pianistes, comme la majorité des musiciens, s’expriment avec leurs doigts et leurs mains.
L’un des innombrables tests qu’elle a effectués dans les laboratoires de Charles Féré montrait la dégradation des fonctions motrices des pianistes. Marie Jaëll a pris 3 groupes d’individus : les pianistes, les personnes ordinaires et les personnes ayant des problèmes moteurs.
Par la rapidité de leurs réactions, les personnes ordinaires constituaient la norme, derrière eux étaient les personnes ayant des problèmes moteurs et à la fin du peloton se trouvaient nos pauvres pianistes. Ce qui prouve que chez les pianistes les fonctions motrices, intellectuelles et psychiques sont en parfait désaccord.
Ceci est le résultat de l’enseignement traditionnel qui consiste dans l’apprentissage mécanique de différents éléments de la technique pianistique : des gammes, des arpèges, des doubles notes, des octaves, etc. Dès le plus jeune âge, on oblige les élèves à subir des heures, des mois et des années de dressage automatique, sans aucune prise de conscience.
Le défaut majeur (entre autres) de ce système est qu’étant appris en dehors du contexte musical, ces éléments, placés ensuite dans l’œuvre de musique, ne sont plus les mêmes puisque chaque œuvre est unique et exprime l’idée que lui est propre.
En réalité, les « problèmes techniques » n’existent pas, ce n’est qu’un problème de compréhension ou plutôt de « non-compréhension » de la pensée musicale de l’œuvre et aussi, du dysfonctionnement de nos activités cérébrales et motrices.
Pour être simple : au lieu de travailler des années entières pour apprendre à nos mains et à notre corps toutes les possibles et impossibles combinaisons des éléments de la technique pianistique prises hors contexte musical, nous devrions apprendre à maitriser parfaitement notre appareil digital, à le relier à notre pensée musicale.
Aussi simple que ça ? Bien sûr que non.
Il est évident que l’activité corporelle influence nos fonctions mentales. L’exemple de la méthode de Marie Jaëll consiste dans la démarche inverse : ici c’est la fonction mentale qui définît et modifie notre activité physique. La maîtrise parfaite de nos mains et de nos doigts qui en résulte nous permet de nous concentrer sur le sens profond d’une œuvre musicale sans être perturbés par des problèmes techniques.
Marie Jaëll a choisi une voie inédite pour l’apprentissage du piano : la voie de la prise de conscience :
« ... Je ne puis concevoir le perfectionnement des phénomènes de conscience chez l’homme que comme conséquence d’un perfectionnement organique et fonctionnel que l’homme doit acquérir par un effort mental. »
Pour Marie Jaëll, l’homme est perfectible, mais au prix d’un grand effort. Elle veut transmettre aux autres les connaissances qu’elle a acquises et leur permettre de s’améliorer. C’est donc une vraie voie de perfectionnement qu’elle a su créer. Une voie longue et intense, afin de nous connaître, connaître nos possibilités, nos limites physiques et intellectuelles pour mieux les dépasser.
« ... Je m’adresse à ceux qui sont capables d’un effort, » disait Marie Jaëll.
Celui qui s’engage sur ce chemin doit être capable de fournir un effort considérable, mais aussi avoir du courage, car en travaillant sur sa perception de la musique, il changera inévitablement sa perception du monde qui l’entoure et en sortira complètement transformé.
« ...Nous ne descendons jamais assez bas pour voir ce que nous sommes, nous ne montons jamais assez haut pour voir ce que nous devrions être... si l’on veut vivre, il faut naître de soi-même, » écrit Marie Jaëll dans son journal.
Voici un extrait de la lettre d’André Siegfried, de l’Académie française :
« ...Marie Jaëll restera l’un de ces devanciers que l’humanité jette en avant-garde et met ensuite parfois des siècles à rejoindre.
...Dans l’ordre de la pensée, par ses recherches sur les lois de l’esthétique, elle se range certainement parmi les grands initiateurs ; son ami Schuré aurait pu dire : parmi les “Grands Initiés“. »
Et maintenant, la lettre qu’Édouard Schuré a adressée à Marie Jaëll. Cette lettre fait partie d’une correspondance qui se trouve dans la Bibliothèque Nationale et Universitaire de Strasbourg :
Paris, 14 février 1907 :
« Chère amie,
Merci de l’envoi de votre livre sur les “Rythmes du Regard et la Dissociation des Doigts“.
...Vous avez établi les plus subtiles corrélations entre les perceptions tactiles, auditives et visuelles. Cela est sans doute assez difficile pour le gros des lecteurs, mais extrêmement suggestif pour ceux qui aiment à réfléchir sur le fond des choses et très particulièrement pour ceux qui sont habitués, comme moi, aux méthodes de la pensée ésotérique et de la méditation concentrée.
...Elles tendent toutes à confirmer la merveilleuse Unité de la conscience humaine. Seulement ce nombre n’est pas un nombre mort, comme celui de nos mathématiciens <...>, mais un nombre vivant, fluide et multiple, infiniment varié. Un, jusque dans l’infini.
Cordiales et sincères félicitations de votre dévoué, Ed.Schuré »
« ... Je peux apprendre à chacun à réaliser la beauté par le piano. » Marie Jaëll dit bien « par le piano ». Aux multiples voies de perfectionnement, elle a ajouté la sienne qui passe par un instrument de musique.
Ce n’est pas apprendre à bien jouer du piano qui est la finalité de son enseignement (quoiqu’on y arrive naturellement), mais d'accéder par le piano à la Beauté.
LIVRES
• La musique et la psychophysiologie. Paris : Alcan, 1896
• Le Toucher. Enseignement du piano basé sur la physiologie. Paris : 1899, 3 vol. • Le mécanisme du toucher : l'étude du piano par l'analyse expérimentale de la sensibilité tactile. Paris : Colin A., 1897
• L'intelligence et le rythme dans les mouvements artistiques. L'éducation de la pensée et le mouvement volontaire, toucher musical, le toucher sphérique et le toucher contraire. Paris : Alcan F., 1904
• Les rythmes du regard et la dissociation des doigts. Paris : Fischbacher, 1906
• Un nouvel état de conscience : la coloration des sensations tactiles. Paris : Alcan F., 1910
• La résonance du toucher et la topographie des pulpes. Paris : Alcan A., 1912
• La main et la pensée musicale. Paris : P.U.F., 1927
ARTICLES
• Marie JAËLL. Charles FÉRÉ. L'action physiologique des rythmes et des intervalles musicaux. In : Revue scientifique, 1902, vol. 18, 25, p.769-777.
• Marie JAËLL. Charles FÉRÉ. Essai sur l'influence des rapports des sons sur le travail : de la seconde mineure la-si bémol et des intervalles successifs jusqu'à l'octave. Paris : s. n., 1902, 20 p. Tiré à part des Comptes rendus des séances de la Société de biologie, 12/07/1902.
“...He who is able to solve the mystery of
Music will find the key to the entire Universe.”
Pythagoras
“ ... To create harmony within ourselves
through the knowledge of truth:
this is the task of humanity.”
Marie Jaëll
In 1846, Marie Trautmann, the future Marie Jaëll, was born in Steinseltz, a small village in Alsace.
Her father was mayor of the village and Marie was brought up by her mother. Drawn to music, Marie persuaded her father to buy her a piano. Her progress was so swift that her mother decided to take her daughter's musical education and career into her own hands.
At the age of seven, Marie took lessons in Stuttgart with the best teacher of the time, Franz Hamma.
By the age of 10, she was already in Paris with Henri Herz.
At the age of 16, she won the First Prize for piano at the Paris Conservatory.
She then embarked on a brilliant European career and, supported by her mother's inexhaustible energy, performed in all the major cities of Europe.
One should bear in mind that this was a musically very rich period, and the growing number of keyboard virtuosos made careers difficult to break into. However, Marie quickly surpassed her reputation as a child prodigy by becoming a confirmed artist. Her every concert was favourably reviewed by the musical press.
Irakly Avaliani
At the age of 20, Marie married Alfred Jaëll, a world-famous pianist and close friend of Brahms, Schumann, Liszt, and Anton Rubinstein, whose works he performed in his concerts. With her reputation firmly established, Marie was now among the musical elite of Europe. The couple travelled all over Europe, from concert to concert, from triumph to triumph - the real life of an artist.
In 1882 Alfred died and Marie found herself alone. She was 35 years old.
Though a renowned pianist, Marie Jaëll is, however, less well known as a composer, even though she collaborated with illustrious masters, such as Camille Saint-Saëns and César Franck. She became one of the first women to be admitted to the Society of Music Composers, an extremely rare occurrence at that time given the prevalently sexist attitudes of the period.
These are well illustrated by the following quotations from a contemporary article in "La Gazette musicale de Paris":
“...Filling the ‘Erard’ concert hall has become the privilege of truly great concerts; and Mrs. Jaëll's certainly was indubitably such a one.
...But much of the interest generated by this concert was focused on Mrs. Marie Jaëll's early career as a composer.
...Her compositional technique is quite remarkable, and far superior to what one is entitled to expect from a woman “.
Liszt once said to Marie Jaëll: " ... put a man's name on your music and it would be played on every piano. »
Marie Jaëll accomplished several feats that were unheard of at the time: she was the first in the world to perform all of Beethoven's sonatas in concert, as well as the complete works of Schumann and Liszt. But it was not performances which would make their mark on history, nor her compositions, which are nevertheless very varied and stamped with the strong personality of their creator.
It was through her scientific research into musical aesthetics, based on the discoveries of psychophysiology, that Marie Jaëll made history.
At the height of her success, Marie Jaëll renounced both public performance and composition. All her time, powerful intellect and inexhaustible energy were henceforth devoted exclusively to research.
What was Marie Jaëll looking for?
She began by looking for solutions to problems of piano technique and eventually she made discoveries that lead us to the deepest mysteries of music.
Here is an excerpt from a letter to her friend Gosswine von Berlepsch:
«...I must go beyond instinct and reach knowledge. »
No mean ambition. And yet, she succeeded.
Marie Jaëll had the rare privilege of living two lives: one, in the 19th century, as an international artist crisscrossing the world with ever-increasing success, and the other, in the 20th century, as a scientific researcher spending the rest of her life finding answers to questions that had always plagued her.
The end of the 19th and especially the beginning of the 20th century, rich in scientific discoveries and upheavals, left their mark on Marie Jaëll. If she had started her work 20 years earlier, the result would not have been the same: she would not have benefited from the advancement of psychology and physiology.
Supported by figures like Doctor Charles Féré, a doctor at L'Hôpital de Bicêtre, well- known for his work in neurophysiology, Marie Jaëll devoted herself to researching the psychophysiology of pianists and the art of touch, in order to enable everyone, as she herself says, to "craft beauty".
Charles Féré was very interested in the hand. Under his guidance, Marie Jaëll became a true scientist. Her first book "La musique et la psychophysiologie" came out in 1896. It was followed by other books whose titles reflect their content: "The Mechanism of Touch: the study of the piano through the experimental analysis of tactile sensitivity", "Intelligence and Rhythm in Artistic Movement", " A new state of consciousness: the colouring of tactile sensations", "The Hand and Musical Thought", to name but a few. In total, Marie Jaëll published a dozen books that have revolutionised the art of the playing the piano, as well as thirty notebooks and her diary.
Deeply affected by the death of Charles Féré in 1907, Marie Jaëll continued her research and worked tirelessly, but shut herself away in her secret laboratory. She was completely absorbed by her work and thought little about how to make it known.
It is interesting to note that among the few pupils who were able to tolerate her stormy temper was a certain Albert Schweitzer, theologian, organist, founder of the hospital at Lambaréné and future Nobel Peace Prize winner. Albert Schweitzer later wrote in his memoirs: «...I owe so much to this great woman! »
In 1914, at the age of 68, Marie Jaëll enrolled at the Sorbonne for physics, botany, mathematics and other classes: «I draw from everywhere in which I see relationships appearing that allow me to define the wholeness of things. »
Towards the end of her life, Marie Jaëll realised that she had done nothing to disseminate her work.
She wrote before her death:
«I don't know how to make known and propagate the new forces that I am so happy to have brought to light. The idea that I have to leave this world without being sure that everything I have found will be embodied in future generations is a very frightening one...
I wanted to work for others. I need my music to live on in your minds and in your fingers. »
Marie Jaëll died in 1925 at the age of 78. ****
It is impossible to analyse, even briefly, the work of Marie Jaëll in the context of a short article. I will only try to present the essence of her thinking and teaching.
Marie Jaëll's work goes far beyond a simple piano method.
I suppose that at the beginning she asked herself some rather concrete questions: why can't pianists play the way they want to? What prevents them from realising their ideas?
To answer these questions, Marie Jaëll began to observe the motor functions of pianists, because pianists, like most musicians, express themselves with their fingers and hands.
One of the countless tests she conducted in Charles Féré's laboratories showed the deterioration of pianists' motor functions. Marie Jaëll took 3 groups of individuals: pianists, ordinary people and people with motor problems.
By the speed of their reactions, ordinary people were the norm, behind them were the people with motor problems and at the end of the pack were our poor pianists. This proves that in pianists the motor, intellectual and psychic functions are in complete disharmony.
This is the result of traditional teaching methods which involve learning mechanically the different elements of piano technique: scales, arpeggios, double notes, octaves, etc. From a very young age, students are forced to undergo hours, months and years of repetitive training, without any musical awareness.
The major error of teaching these ‘standard’ musical figures, without their being set in the context of any actual music, is that each composer will use them in quite different ways to express different things.
In reality, "technical problems" do not exist. The real problem of these traditional methods is that of the pupils’ understanding, or rather of their failure to understand the musical thought of the specific work, quite apart from the dislocation of their cerebral and motor activities which the traditional methods entail.
To put it simply: instead of working for years to teach our hands and body all the possible and impossible combinations of elements of piano technique taken out of any musical context, it is only in studying real pieces of music that we will learn to perfectly master our motor techniques.
Is it really as simple as that? Of course not.
It's obvious that our mental functions are influenced by our bodily activity. But Marie Jaëll's method seeks to reverse this process: here our mental functions are to determine our physical activity. The resulting perfect mastery of our hands and fingers allows us to concentrate on the deeper meaning of a musical work without being disturbed by technical problems.
Marie Jaëll has chosen a new path for learning the piano: the path of awareness:
« ... I can only conceive of the perfection of the phenomena of consciousness in man as the consequence of an organic and functional perfection which man must acquire through mental effort. »
For Marie Jaëll, man is perfectible, but only at the price of great effort. She wanted to pass on to others the knowledge she had acquired and to enable them to improve. It is therefore a true path of improvement that she has created. A long and intense path to self-knowledge, to an awareness of one’s potential, and also of one’s physical and intellectual limits, in order to better surpass them.
« ... I address myself to those who are capable of making an effort », said Marie Jaëll.
Whoever embark on this path must be capable of making a considerable effort, but they must also have courage, because by working on their perception of music, they will inevitably change their perception of the world around them and emerge completely transformed.
«...We never go down low enough to see what we are, we never go up high enough to see what we should be... if we want to live, we have to be born of ourselves,» writes Marie Jaëll in her diary.
Here is an excerpt from a letter from André Siegfried of the Académie française:
"...Marie Jaëll will remain one of those forerunners that mankind throws into the vanguard and then sometimes takes centuries to catch up with.
...In philosophical field, through her research on the laws of aesthetics, she certainly ranks among the great initiators; her friend Schuré could have said: among the "Great Initiates". »
And now the letter that Édouard Schuré wrote to Marie Jaëll. This letter is part of a correspondence which is in the Bibliothèque Nationale et Universitaire de Strasbourg :
Paris, February 14, 1907:
"Dear friend,
Thank you for sending us your book on "Rhythms of Perception and Dissociation of the Fingers".
...You have established the most subtle correlations between tactile, auditory and visual perceptions. This is undoubtedly quite difficult for the bulk of readers, but extremely suggestive for those who like to reflect on the substance of things and very particularly for those who are accustomed, like me, to the methods of esoteric thinking and concentrated meditation.
...They all tend to confirm the marvelous Unity of human consciousness. Only this number is not a dead number, like that of our mathematicians <...>, but a living number, fluid and multiple, infinitely varied. One, to infinity.
Cordial and heartfelt congratulations from your dedicated, Ed.Schuré "
"...I can teach everyone to achieve beauty through the piano." Marie Jaëll highlights "through the piano." Of the many paths to self-improvement, she added her own, through the mediation of a musical instrument.
The aim of teaching is not simply to learn to play the piano well (although one naturally achieves this), but to achieve Beauty through the piano.
Translated by Anthony Gledhill
BOOKS
- Music and psychophysiology. Paris: Alcan, 1896
- Touch it. Piano teaching based on physiology. Paris: 1899, 3 vol.
- The mechanism of touch: the study of the piano through the experimental analysis of tactile sensitivity. Paris: Colin A., 1897
- Intelligence and rhythm in artistic movements. The education of thought and voluntary movement, musical touch, spherical touch and contrary touch. Paris: Alcan F., 1904
- The rhythms of perception and the dissociation of the fingers. Paris: Fischbacher, 1906
- A new state of consciousness: the colouring of tactile sensations. Paris: Alcan F., 1910
- The resonance of touch and the topography of the finger pads. Paris: Alcan A., 1912
- The hand and musical thought. Paris: P.U.F., 1927. ARTICLES
- Marie JAËLL. Charles FÉRÉ. The physiological action of musical rhythms and intervals. In: Revue scientifique, 1902, vol. 18, 25, p.769-777.
- Marie JAËLL. Charles FÉRÉ. Essay on the influence of sound relationships on the work: from the second minor A flat and successive intervals up to the octave. Paris: s. n., 1902, 20 p. Quoted from the minutes of the proceedings of the (French) Biological Society